CHAPITRE XI

Chroniques mytanes (extraits).

« Écolexique », ouvrage collectif.

KSIN : de Jogred Ksin, biologiste qui travailla à la mutation du chat européen importé par l'Imperium durant la colonisation. De la taille d'un tigre, le ksin est morphologiquement identique au plus commun des félins, dont il a conservé toutes les caractéristiques psychologiques. Confié dès le sevrage à un ille, il crée un « pont » entre leurs cerveaux qui lie les deux sujets d'une symbiose définitive. Ce lien exclusif constitue un barrage à toute investigation psionique. En outre, l'espèce jouit d'une interaction empathique surdéveloppée qui englobe tous ses représentants.

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Ryline avait peur.

Pour elle, parce que Norah avait failli la tuer en voulant seulement l'assommer et qu'il lui avait promis les pires horreurs si elle tentait de fuir.

Pour Aden, parce qu'elle ignorait ce que le warsh avait fait de lui et que, manifestement, il ne l'intéressait pas.

Pour Iyoti et tous les nones de Tann-Tori, parce qu'inévitablement ils savaient, qu'ils avaient besoin d'elle et qu'ils feraient tout pour la retrouver.

Et pour Audh, surtout pour Audh… C'était elle que visait Norah, c'était elle qu'il désirait attirer ici, et Audh viendrait parce qu'elle était trop conne pour la laisser, elle, entre ses battoirs. Elle viendrait avec Tag', bien sûr, et Lodh, et Fyrh et Min' en couverture, mais Ryline avait entendu Diter s'enquérir du piège qu'il avait conçu pour Norah, pour qu'aucun ksin ne pût déjouer Norah. Et des dizaines de sy avaient circulé dans le hangar où il la détenait.

Tous les œufs dans le même panier ! Audham l'unique, d'abord, l'agent fédéral, l'espoir de Mytale, qu'elle le veuille ou non, la chance none (elle l'avait dit). Lodh Ilodi Lodj, dont Rib avait dit : « C'est l'ille le plus spécial de sa génération, celui sur lequel mise Island. » Que savait Rib d'Island ? Que savait-il de Lodh ? « Island croit que de lui vont éclore les miracles qui bouleverseront Mytale. Il se contentera de changer Island. » Rib donnait rarement dans la divination, il avait même affirmé que la prescience ne pouvait exister, par essence ; mais chacune de ses prédictions s'était réalisée. Et elle, enfin, la petite hiume de Sastiss-braine, la Ryline des nones, « le Dalaï Lama femelle » comme disait Aden, parce qu'on l'écoutait quoiqu'elle bafouillât, « l'Inca-aux-seins-ronds » comme se moquait Rib, mais il avait tort et il en avait conscience. On l'avait choisie, elle, à cinq ans, parce qu'elle était dyslexique, parce que plus qu'anonyme, elle n'était personne, par dérision mystique, parce que seul l'arbitraire pouvait générer l'absurde.

— On peut former l'homme à la fonction. C'est ce que je vais faire.

Et Rib l'avait fait, et Sastiss, et des centaines de nones. Ils lui avaient tous donné ce qu'ils ne voulaient pas qu'elle possédât quand ils l'avaient sélectionnée. Il leur fallait quelqu'un qui n'eût aucune des qualités requises pour n'avoir jamais à le subir et elle les avait acquises à leur contact, souvent à leur insu, plus souvent encore par leurs contradictions. Ils ne voulaient pas lui donner de titre, ils avaient fini par l'appeler « Ryline des nones ». Pouvait-il exister de noblesse plus omnipotente ?

Jamais on ne l'avait pas écoutée (ils jouaient le jeu), jamais elle n'avait imposé (elle respectait le rôle). La fonction de Ryline ne tenait d'aucune hiérarchie et n'existait nulle part ailleurs, mais les evres eussent considéré qu'elle était l'Arbitre des nones. C'était faux.

Contre ses reins dormait le laser d'Audh, vide et inutile. Sur sa cuisse droite, sous sa jupe, patientait la dardelle. Elle trouverait peut-être l'heure et la distance pour frapper, ou peut-être pas.

Ryline avait peur du peut-être pas.